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Beaucoup l’oublient, mais la Seine a été le berceau de la plaisance française.
A la fin du 19ème siècle des architectes navals de renom tels Gustave Caillebote, Chevreux, Tellier ou bien Texier y faisaient naviguer leurs créations. Toujours à l’affût d la modernité, quelques yachtmen avaient, dans une revue américaine de 1899, découvert le Lark, dériveur populaire outre atlantique. Texier s’en inspira pour concevoir l’Immuable, bientôt suivi par Sarcelle et Souriceau qui participèrent aux régates disputées sur le plan d’eau de Meulan dans le cadre de l’Exposition Internationale de 1900. Résidants à Chatou, les propriétaires de ces bateaux eurent, en 1902, l’idée de fonder un club nautique sur l’île des impressionnistes, endroit propice à la convivialité. On y côtoya François Coppée, les frères Monnot, Jean Ledeuil, Jean Charcot, les frères Roblot, Léon Haffner, Georges-Paul Thierry, mais aussi le couturier Paul Poiret, qui dessina le pavillon du Club. Quant au dériveur de Texier, il devint le Monotype de Chatou, première série monotype française, affectueusement surnommée la Punaise en raison de sa forme aplatie, héritée de son ascendance américaine. D’agréable compagnie, les membres du Club Nautique de Chatou étaient facétieux au point d’être bientôt surnommés les chatouillards. Ne manquant aucune occasion de régater et de faire la fête, le Club Nautique de Chatou organisait des descentes de Seine, accompagnées de péniches pour l’intendance, les dames et la bonne humeur.
Dues à Léon Haffner, les illustrations du Bulletin du CNC témoignent de cette joie de vivre. « La mode habillait les Dames » écrira Paul Poiret, « mes amis et moi-même ôtions ce qu’il y avait de trop »
En 1914, plus de 50 des membres du Club furent mobilisés, il n’en revint que 9. Le cercle en comptait plus, mais c’est un groupe de 7 membres parmi ceux-ci qui le relança. L’enthousiasme de cette poignée de passionnés le fit renaître et essaimer au sein de nouveaux clubs dont les pavillons reprenaient en partie celui du CNC : Ouistreham, Annecy, Mantes, Elisabethville.
Particulièrement dynamique, le Club participait aux grands événements nautiques du moment, ainsi les régates et traversées de Paris organisées en 1922 et lors de l’Exposition des Arts Décoratifs. Mais devant l’expansion du Club, le site de Chatou devenait trop étroit, il fallait déménager.
Le bassin de Meulan, qui avait accueilli les épreuves de voile de l’Exposition Internationale en 1900 et les épreuves olympiques en 1924 était un endroit propice. Avec une générosité qu’il conserva jusqu’à sa mort Armand Esders, acheta 4 hectares en bord de Seine, puis fit construire un superbe club-house, un gigantesque garage à bateaux et tous les équipements nécessaires à la vie du Club.
L’ampleur des fêtes de l’inauguration en juin 1929 sont dans toutes les mémoires. Bien vite une autre évidence s’imposa : Le Monotype de Chatou n’était plus réellement adapté aux exigences de l’époque et aux conditions de navigation du bassin de Meulan. Toujours sous l’impulsion de son mécène, le Club chercha donc un nouveau bateau : un monotype, simple, performant, économique à l’achat et à l’entretien. Un concours fut ouvert aux constructeurs français, mais il n’aboutis pas.
Au cours d’un dîner chez Maxim’s, Maurice Lescure, beau-frère d’Armand Esders, exhiba les plans d’un quillard que lui avait adressés le Chantier Finlandais d’Abö qui venait de concevoir le Requin. Il fut décidé de faire venir un monotype aux fins d’évaluation, durant la saison de courses de 1935, le bateau finlandais s’avéra très rapide et très marin et fit si bien qu’il détrôna tous ses concurrents. Le CNC choisit donc d’ouvrir une souscription de importer 25 bateaux et d’acquérir la licence de fabrication.
L’engouement fut tel qu’il fallu réviser la commande à la hausse ainsi que l’explique le Bulletin du Club: « Cette nouvelle série, dont le succès est sans exemple dans les annales du yachting, répondait bien à un besoin. Les 40 premiers furent enlevés en 25 jours, 10 nouveaux ont été commandés. Il n’en reste plus à vendre. Dans un an, combien seront-ils ? Jamais en France, peut-être jamais en Europe, il n’a été donné à une société d’avoir en même temps 50 bateaux strictement identiques ». Restait à trouver un nom. Toujours plaisantins, quelques chatouillards avaient bien suggéré « l’Escurgeon » mais les monotypes arrivaient et rien n’était arrêté : c’est Madame Esders, marraine de la série, qui trouva le nom : « Aile », en mémoire de Virginie Hériot qui avait offert une médaille d’or olympique à la France à bord de son 8 mètres JI, Aile VI. La couleur de la coque des 50 premiers bateaux avait été choisie par Paul Lescure : Un superbe vert pâle appelé, suivant les sources, vert d’eau ou vert Nil. La série remportait de vifs succès.
Ainsi, en quand le 18 Juin 1939 le Cercle Nautique de Chatou décidait de changer son nom en Yacht Club de l’Ile de France, le Club abritait environ 85 Aile et d’autres flottes naissaient surla Seine, à Ouistreham ou sur le Rhône. Le Club, devenu Yacht Club de l’Ile de France, connu les vicissitudes de la guerre. Jouxtant l’aérodrome des Mureaux, les allemands prirent ses hangars pour ceux de la base d’hydravions et les bombardèrent le 3 Juin 1940, détruisant ou endommageant 61 Aile, 13 Chat, 6 Monotypes Olympique, 39 autres bateaux et 125 voiles. Au surplus le Club fut pillé à la débâcle. Pendant les hostilités, l’accès à la mer fut bien sur interdit, mais on continua à naviguer sur la Seine. Avec les moyens du bord, l’YCIF tenta de reconstruire ses installations et sa flotte. Hélas, le jour de la Pentecôte 1944 en 1943, les américains commirent la même erreur que les allemands et bombardèrent le Club. Au total la guerre détruisis 102 bateaux et en endommagea gravement 137 autres. Les allemands partirent, le Club fut à nouveau pillé. Tout était à recommencer. L’après guerre fut une époque industrieuse et brillante. Les Aile étaient construites en bois, soit par des chantiers, soit en kit par des amateurs. D’autres séries avaient fait leur apparition, notamment le Bélouga, création d’Eugène Cornu sur le plan d’eau de Meulan. Ce petit croiseur dériveur complétait admirablement les autres dériveurs qui, alors, régnaient en maître sur tous les plans d’eau : Le Vaurien, la Caravelle, les 420…La flotte de L’YCIF s’élargissait.
En 1964 Eric Tabarly gagnait la « Transat » et les français découvraient la navigation de plaisance en mer. Dés lors, les plans d’eau intérieurs voyaient leurs activités décroître. L’YCIF n’échappait pas à cette tendance et devenait petit à petit un fantastique club de bridge ! A partir des années 80, nombre de plaisanciers virent s’estomper le plaisir qu’ils avaient à courir ou à simplement se mesurer, le temps d’une régate. Pour espérer une place d’honneur, il fallait à présent jeter son bateau aux orties au moins tous les cinq ans et, pire encore, embarquer des équipiers plus enclins à vociférer qu’à cultiver la courtoisie. Lassés par la course à l’armement, ces marins se tournèrent vers un patrimoine maritime alors presque oublié ; un patrimoine fait de carènes odorantes, mais, plus encore, de bienséance et de savoir vivre. A l’initiative des plus fortunés on vit ainsi resurgir des vasières de somptueux navires, restaurations prestigieuses manœuvrées par autant de gentlemen qui firent peu à peu le succès d’Impéria, des Régates Royales et autres Classic Week. La Belle Plaisance renaissait. A une toute autre échelle mais avec le même rêve au fond des yeux, d’autres passionnés anonymes entreprirent, en mer mais aussi sur nos rivières, de réarmer minuscules canots et yachts légers fleurant bon le bois.
A l’YCIF Pierre Bogrand (auquel on doit l’introduction en France de l’Optimist) et quelques amis prirent en charge les dernières Aile qui dormaient au fond du hangar. Le vaste garage s’emplit du chant de scies avant d’embaumer du parfum de vernis.Toutes les Aile du Club furent restaurées, d’autres furent rapatriées des quatre coins du pays. C’était une renaissance pour ces bateaux, pour recommencer à courir mais d’une autre manière : au fil de l’eau en aimable compagnie dans un cadre et sur un plan d’eau mythique. L’esprit des chatouillards renaissait lui aussi.
Aujourd’hui, l’YCIF accueille toutes les séries sans exclusive car, pour un « Chatouillard », tout ce qui tire des bords avec élégance est prétexte à régater ou à simplement se promener sur l’eau. Toutes les séries certes, mais sans oublier l’Aile, à nouveau proposée par un chantier français à qui le Club a concédé la licence de fabrication dont il continue à être le seul titulaire. Fort de l’enthousiasme de ses membres, l’YCIF a, en 2002, entamé un nouveau parcours sans faute vers son bicentenaire. Grâce au vaste domaine dont il dispose en bord de Seine à une demi-heure de Paris, le Club continue d’offrir un plaisir rare à ses Membres et à ceux qui y viennent disputer les trophées qu’il met en jeu : naviguer sur la Seine, là où tout a commencé à la fin du 19ème siècle. Aujourd’hui, à l’aube du XXIème siècle, le Club continue sa marche en avant et après le Monotype de Chatou au début du XXème siècle, l’Aile au milieu du siècle, qui ont marqué l’histoire du yachting, a été réalisé le projet « Monotype des Mureaux, Class 2M » de l’un de ses membres avec l’aide et le support tout particulier de la mairie des Mureaux et l’attentive attention de son Maire.
L'YCIF est depuis plus de 15 ans régulièrement sur le podium du Championnat de France des Clubs de la FFVoile, en quillards de sport et pour 2022 se trouve une fois de plus sur la première place du podium.
Michel La Clavière. Yacht Club de l’Ile de France